Mais... où suis-je ?

Le Barde dans la Machine écrit pour vous des élucubrations sur les mondes imaginaires. Pour faciliter vos choix de lectures, les publications sont regroupées en thèmes :

"Récits", des nouvelles (entières ou par épisodes) qui parlent de SF et de Fantasy. Les récits les plus longs sont publiés par épisodes, puis compilés.
"Contes de la Marche", qui regroupe des récits de Fantasy se déroulant un même univers.
"Lubies", des textes plus courts sur des sujets aléatoires.
"Bouquins", où je vous narre et critique mes derniers lectures.
"Carnets", de brèves observations ou impressions, en quelques paragraphes.

Croqueur d’Or

Croqueur d’Or

Par Michael Ducousso

Introduction

Paris, 2023. Un magasin de jeux du quartier latin, dont le nom se termine par «-escartes ». Le Barde évite deux gobelins qui se disputent un anneau d’un modèle unique, et se penche sur une pile de livres dont la couverture colorée promet fabuleux trésors, épées & sorcellerie, et d'incarner vos propres aventuriers.

On ne fait pas de telles promesses à la légère dans ce lieu consacré… Mais il ne sera pas dit que j'aurai refusé un appel à la Grande Aventure. Achetons ce grimoire probablement maudit, et voyons ce qu'il a dans le ventre !

Le Bouquin

« Croqueur d’Or » nous propose une suite de nouvelles qui relatent les aventures de Korr’Vactus, aventurier aux qualités plus physiques que morales, dans le monde haut en couleurs des Cités Franches. La dernière partie consiste en un système de jeu de rôle résolument orienté sur l'ambiance plus que la simulation.

Tantôt riche, tantôt ruiné, et passant par tous les états intermédiaires, le héros n'a guère d'états d'âme et se fait régulièrement rattraper par ses mauvaises actions. Il finit pourtant par sauver le monde en triomphant de la réincarnation d’un Roi-Sorcier, qu’il avait fortement contribué à rappeler dans le monde des vivants. Le projet du monstre : restaurer le culte des dieux noirs et établir un règne de terreur, de feu et de sang : quoi d’autre ?

On retrouve un univers d’inspiration très Conan, avec une gouaille plutôt dans la lignée de Pratchett. Parfois on a l’impression de discerner les rouages d’un scénario de jeu de rôle, et ce n’est pas un hasard puisque le projet créatif est double. En cela, on est aussi dans l'esprit d'un Cedric Ferrand et son Wastburg, et le lecteur de ce blog se souviendra, petit canaillou, de la sympathie que j'ai pour ce type de création.

Les Cités Franches : Heroic Fantasy orientale

Comme souvent dans l’imaginaire, le décor est un personnage part entière. Ici on paye et on vole en dinars, les noms des personnages sont souvent arabisants, parfois grecs ou phéniciens, bref une joyeuse inspiration orientale colore le background d'une saveur exotique. Tant mieux, on frémit à l'idée que dans d'autres mains, les protagonistes auraient pu s’appeler Gérard ou Bob (rien de personnel, hein).

Ce monde est somme toute assez simple : j'ai compté sur la carte 6 villes, un fleuve et 3 pays voisins. Mais l'essentiel y est, chaque cité est bien typée – c'est à dire peuplée de fous, il ne manque pas de lieux exotiques, de ruines anciennes et de nature hostile. L'approche se retrouve dans la dernière partie : on n'est pas là pour faire dans la dentelle, mais pour vivre l'Aventure, se maraver et/ou se trahir. Les clins d'œil abondent, ainsi le pays d'Uqbar, que n'aurait pas renié Borges, et les Cités Franches, qui sont Mystérieuses mais pas d'Or.

J'ai apprécié l'omission des sempiternels elfes, nains et orques, qui trahissent souvent les influences envahissantes de Tolkien, voire de D&D. Ici on se contente d'humains de toutes obédiences, et les monstres ne sont pas banalisés. L'auteur le confirme dans sa bio sur internet, il n'a pas beaucoup d'affinités avec le plus ancien et populaire des jeux de rôles, et c'est tant mieux. Il faut savoir grandir un peu, les gars !

Écriture vivante

La gouaille est la première qualité de l’univers des Cités Franches, mais aussi de l’écriture de l’auteur, qui nous fait partager un regard ironique et souvent drôle. L'ambiance nous place sans ambiguïté dans le domaine de la Fantasy crapuleuse, et c'est plutôt bien fait.

Par contre la rédaction aurait mérité une bonne relecture supplémentaire : changement abrupt de temps au 4e paragraphe du livre, quelques pages de texte monolithiques, formules parfois chargées, coquilles... Ces défauts auraient pu me faire sortir du texte, mais une bonne rigolade et des aventures bien menées font pardonner quelques faiblesses.

CroqueurS d'Or – Le jeu de rôle

Le livre se termine par une brève règle de jeu de rôle, dont la simplicité forcenée m’a bien plu : pas besoin de dés, on lance une pièce – oui, on joue à pile ou face, à la façon des habitants de la mystérieuse Zagora avec leur Drachme proverbiale. Les attributs du personnage, sous forme d’avantages et désavantages, viennent transformer le résultat (oui / non) en résultat critique ("oui et...", "non et...") ou partiel ("oui mais...", "non mais..."). Quand aux points de vie, à l'argent, la chance, l'endurance, tout est résumé par un seul score, la Bonne Fortune, que l'on compte en pièces. Plutôt malin, et comme ça on ne risque pas le mal de tête !

Ensuite les choses se compliquent juste un poil, mais l’approche reste séduisante, et résolument orientée vers la création d’ambiance par ajout d’éléments narratifs. On appréciera aussi les passages intitulés "Faire appel aux Arts Noirs" et "Comment invoquer un démon", bourrés de conseils pratiques pour briller en société – en tout cas, un certain type de société.

Petit regret néanmoins, les éléments narratifs suggérés par les règles (complications et autres effets inattendus) auraient pu être développés un peu plus à l’usage d’un meneur de jeu fatigué qui, sur le coup des 3h du matin, tire son 17e « oui, mais... »

L'avis du Barde

Inutile de vous le cacher, dès la couverture savoureusement Pulp, mon intérêt s’était éveillé tel le serpent de Tulsa Doom lors du banquet sous la montagne. Après lecture, le projet semble perfectible, mais il tient la route et surtout, il crée l'envie de jouer. Alors oui, si vous aimez les ambiances exotiques et les aventures qui ne se prennent pas trop au sérieux, n’hésitez pas à vous procurer cet ouvrage par les moyens qui vous sembleront adaptés – idéalement, payez en Drachmes, et à entrer dans son univers : embarquez pour les Cités (pas très) Franches, détroussez vos ennemis, puis vos amis, rencontrez des divinités anciennes et déclenchez la fin du monde !

Noon du Soleil Noir

Noon du Soleil Noir

Histoire au Coin du Feu

Histoire au Coin du Feu