Mais... où suis-je ?

Le Barde dans la Machine écrit pour vous des élucubrations sur les mondes imaginaires. Pour faciliter vos choix de lectures, les publications sont regroupées en thèmes :

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"Contes de la Marche", qui regroupe des récits de Fantasy se déroulant un même univers.
"Lubies", des textes plus courts sur des sujets aléatoires.
"Bouquins", où je vous narre et critique mes derniers lectures.
"Carnets", de brèves observations ou impressions, en quelques paragraphes.

Le Mandalorien

Le Mandalorien

Le héros au sourire si doux.

Le héros au sourire si doux.

Assez de livres, d’actualités et de futur proche, aujourd’hui plongeons-nous dans sujet plus récréatif : la dernière série Star Wars, « Le Mandalorien » (The Mandalorian en VO).

Il s’agit d’une bonne surprise pour les amateurs de la série de films, qui ont traversé successivement une longue période de vaches maigres : les 16 ans qui ont suivi la sortie de la première trilogie, puis une déception avec les épisodes 1 à 3, puis une attente inquiète et une sorte différente de déception avec les épisodes 7 à 9 et autres spin-off produits par Disney.

De quoi s’agit-il ?

Ces oreilles me rappellent quelqu’un…

Ces oreilles me rappellent quelqu’un…

Le protagoniste qui donne son nom à la série est un chasseur de primes. Orphelin recruté très jeune par une secte de guerriers d’élite, il ne quitte jamais son armure ni son casque, composés d’un métal précieux et particulièrement solide. Ayant accepté de la guilde des chasseurs de primes une mission inhabituelle, il se retrouve gardien d’une étrange petite créature.

Clichés

Disons-le tout de suite, les scénaristes n’ont pas eu la main légère sur les stéréotypes. Je liste dans le désordre :

  • Le héros solitaire et taciturne, mais qui a toujours la bonne réplique.
  • Le combattant ultime, qui ne fait rien par hasard et qu’aucun humain ne peut arrêter.
  • L’homme casqué / masqué dont on ne voit jamais le visage, classique dans le monde de Star Wars.
  • Le métal indestructible et hyper-rare (nouvelle incarnation de l’unobtainium).
  • L’ordre de guerriers mystiques - les moines Shaolin de l’espace arrivent !
  • Les méchants sont, bien sûr, très très méchants.

Au moins c’est clair : on ne signe pas pour du cinéma d’art et d’essai. Il faut bien le dire, parfois les acteurs surjouent quelque peu, certaines scènes sont un peu téléphonées. Mais dans cette série, je trouve que cela donne un côté « Pulp » qui n’est pas toujours déplaisant.

La loi de l’Ouest

Le cliché le plus assumé reste l’atmosphère de Western. On ne compte plus les bars, duels, bourgades tombées sous la coupe de bandes criminelles, etc. Le héros poursuit des fugitifs mis à prix, rencontre des gens estimables et d’autres moins, règle ses comptes lui-même avec ses poings et ses armes. Certains ont même vu dans sa démarche un peu lourde (une armure, ça pèse) un rappel des jambes arquées par la chevauchée, du bruit des éperons sur les planches. Le tout se déroule une toile de fond de frontière, de créatures étranges et de technologie de seconde main, dans des décors naturels : désert, forêt, marécages, où les personnages dorment régulièrement à la belle étoile.

C’est un retour aux sources, au côté buriné, sauvage de la première trilogie - d’ailleurs comme par hasard l’action se passe souvent sur Tatooine, planète ou vit Luke Skywalker dans « A New Hope » (épisode 4). Cette ambiance s’était un peu perdue : la deuxième trilogie, de « La Menace Fantôme » à « La Revanche des Sith », donnait la part belle aux scènes urbaines, à la politique galactique, aux négociations commerciales. La troisième trilogie revenait à des décors dans l’esprit des origines, mais pour y situer une intrigue toujours plus grandiloquente, ultra-référencée, et à la limite de l'incohérence. Au contraire dans le Mandalorien, on retrouve avec plaisir l’ambiance de la rencontre en Han Solo et Luke Skywalker, là où le film « Solo » semblait nous raconter la jeunesse d’un autre personnage.

Le rythme aussi s’accorde avec la référence de l’Ouest, s'autorise quelques lenteurs et des respirations entre les scènes d'action. On n’est pas aux pièces ; ici, étranger, il ne se passe jamais rien.

Si le Western constitue la principale référence et toile de fond de la série, ce n’est pas la seule. L’action nous entraine aussi dans des combats spatiaux et des infiltrations de bases impériales, scènes classiques de Star Wars mais peu communes dans l’Ouest.

Casques et humains

Comme on l’a dit, le héros n’enlève (presque) jamais son casque, car le serment des Mandaloriens le lui interdit. On trouve beaucoup de personnages sans visage dans l'univers de Star Wars, mais pour la première fois il s’agit du protagoniste.

Jusqu’ici cet anonymat inquiétant caractérisait les ennemis des héros : Darth Vader, les différents modèles de stormtroopers, le chasseur de primes Bobba Fett... Privés de visage, ces personnages déshumanisés représentaient différentes facettes d’un archétype de méchant sans expression, à la voix robotique.

Dans le cas de notre héros, en plus d’un air vaguement menaçant, le casque accentue son côté stoïque, ponctué d'expressions martiales comme « telle est la voie »... Cet artifice permet de créer une sorte de héros solitaire américain ultime, entièrement dénué d'expression et d'émotions.

Mais si l’on n’adhère pas à cette triste idée de la masculinité, cela fournit aussi l'occasion de « lire » les émotions dans un geste, une posture, une expression... Parfois cela les souligne d’une manière particulière. Il est d’ailleurs amusant de voir ce personnage masqué, avare en paroles, se lier avec une petite créature qui ne sait pas encore parler, au cours de dialogues pas toujours très fluides.

Mauvais tireurs

Les vraies stars de la série.

Les vraies stars de la série.

On reste dans une série familiale : pas de sexe, et très peu de violence réaliste. En particulier, les affrontements avec les Stormtroopers sont toujours à sens unique : les méchants tombent par pelletées, alors que les gentils s’en sortent toujours indemnes. Parfois ils doivent quand même se rendre, débordés par le nombre mais à peine blessés.

Ici on retrouve une constante de l’univers de Star Wars : les Stormtroopers tirent extrêmement mal au point qu’il ne touchent jamais leur cible, tandis que leurs adversaires font mouche à chaque fois. De plus, leurs fameuses armures blanches ne les protègent de rien, à part peut-être des piqures de moustiques. Un tir au but, ou même un coup de poing, et ils tombent, mais bien sûr on ne voit jamais leur sang ou leurs blessures. On n’est pas loin des fusillades et des explosions sans victimes de l’Agence Tous Risques, référence en la matière.

En règle générale, il est recommandé de ne pas trop suivre les mouvements des « méchants » dans un film d’action hollywodien, et cela se vérifie bien avec tous les films et séries Star Wars : soudain on réalise à quel point leurs gestes chorégraphiés n’ont aucun sens, et ne servent qu’à mettre en valeur les attaques et les parades du héros. Pourquoi je vous dis ça ? N’y pensez plus !

Loin de moi l’idée d’exiger des scènes glauques de violence ultra-réaliste ; mais ici on tombe dans l’excès inverse, et le manque de réalisme gêne parfois.

Enjeux

Dans les films de la série, les héros ne cessent de sauver le monde, que dis-je la galaxie, de détruire des menaces et des armes secrètes incroyablement puissantes. La 3e trilogie arrivait à une telle surenchère dans les enjeux que cela devenait problématique : la nouvelle super-étoile noire, le nouveau super-méchant, les super-pouvoirs de Leia, la super-solution pour démolir une flotte galactique avec un peu d’hyperespace… En quête d’effets de surprise à tout prix, les scénaristes ont joué à un jeu dangereux avec les fondements de leur univers.

Dans le Mandalorien au contraire, pas d’inflation : on reste à l’échelle des individus, avec de temps à autre l’irruption d’une créature extraordinaire ou d’un danger plus vaste. Le héros lui-même est un chasseur de primes prosaïque, sans cause ni grand destin, qui s’accroche à ses préceptes Mandaloriens pour garder son identité ; dans les films, il aurait tenu un rôle secondaire. Cette simplicité se retrouve au niveau de la narration, qui reste fixée sur le personnage principal sans multiplier les fils.

En cela la série se démarque nettement des productions précédentes, et ce choix a sans doute permis de sortir de l’impasse créative des derniers films. Car n’importe quel romancier ou scénariste vous le dira : pour raconter une bonne histoire, il faut des personnages attachants, de la tension, une intrigue, mais sauver le monde n’est pas du tout obligatoire.

Autre conséquence de ce changement d’approche : l’absence quasi-complète de la dynastie Skywalker. Cette famille un peu spéciale avait fourni aux films leurs meilleurs moments, mais elle apporte aussi beaucoup de bagages et d’attentes. S’en libérer autorise une légèreté bienvenue.

L’avis du Barde : un retour au « vrai » Star Wars ?

Dans la longue histoire de Star Wars, c’est un soulagement de pouvoir savourer enfin un récit cohérent, qui tient ses promesses et qui sait capter l’attention du spectateur. On retrouve des lieux, des situations et des peuples familiers, sans pour autant avoir l’impression de regarder un mauvais remake ; et les personnages, de temps en temps, arrivent à nous toucher.

On pourrait regretter un petit manque de souffle ou d’originalité, mais si c’est le prix à payer pour regarder la série sans serrer les dents, sans craindre à tout moment une sortie de route fatale de scénaristes poussés à bout, qu’il en soit ainsi.

Je recommande Le Mandalorien à tous ceux qui n’ont pas eu leur compte de Guerre des Etoiles, qui cherchent un divertissement de bonne facture, à la réalisation « authentique ». Difficile d'expliquer ce que cela signifie pour une série de SF fantastique, mais la sensation est là, et c’est bien agréable.

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