Mais... où suis-je ?

Le Barde dans la Machine écrit pour vous des élucubrations sur les mondes imaginaires. Pour faciliter vos choix de lectures, les publications sont regroupées en thèmes :

"Récits", des nouvelles (entières ou par épisodes) qui parlent de SF et de Fantasy. Les récits les plus longs sont publiés par épisodes, puis compilés.
"Contes de la Marche", qui regroupe des récits de Fantasy se déroulant un même univers.
"Lubies", des textes plus courts sur des sujets aléatoires.
"Bouquins", où je vous narre et critique mes derniers lectures.
"Carnets", de brèves observations ou impressions, en quelques paragraphes.

Prédateurs (2)

Manger ou être mangé ? Les choses ne sont pas si simples...

La relation prédateur - proie

On sous-estime facilement la richesse des rapports entre les deux.

Bon, du point du vue du gibier, cela consiste principalement à éviter le chasseur ou à s'en défendre: courir vite, développer une carapace ou des cornes, se déplacer en grands troupeaux... La vie de proie comporte une bonne dose de stress, de vigilance constante; cela peut aussi renforcer la solidarité au sein de l'espèce.

Je trouve le point de vue du chasseur plus intéressant. Pour économiser ses forces, il s'empare de préférence des individus les moins aptes à se défendre - les malades, les blessés, les moins rapides ou moins forts. Le résultat est le même, pour moins d'effort. Ce faisant, le prédateur dessine par sélection naturelle l'évolution de l'espèce qui le nourrit : seul le gibier le plus apte à lui survivre, par sa résistance ou sa force, survivra et se reproduira, renforçant l'espèce et rendant le jeu de la chasse plus stimulant au fil des générations. Ce qui, finalement, accroit la sélection sur les prédateurs eux-mêmes, car ils doivent se maintenir au niveau.

"Regardez les gars, les buffles sont encore plus costauds et plus méchants que l'an dernier… Vivement la retraite !"

Un prédateur philosophe pourrait considérer qu'en éliminant les individus les plus faibles, il assure la qualité de l'espèce à la manière d'un éleveur. Ou a contrario, un prédateur prévoyant pourrait décider d'éliminer en priorité les individus les plus résistants, pour éviter que l'espèce dont il dépend n'échappe à son contrôle - on voit rarement cela dans la nature, mais pourquoi pas dans un contexte plus spéculatif...

Le chasseur vit dans la dépendance de sa proie pour son alimentation; il doit tout faire pour s'assurer un approvisionnement stable. Il le fait généralement en prenant le contrôle d'un terrain de chasse suffisamment grand, et en le défendant contre ses concurrents, tout en prélevant sa nourriture sans l'exterminer. Ce qui explique que les portées de certains animaux sont beaucoup moins nombreuses quand le gibier manque. Les espèces qui ne respecteraient pas ces équilibres vont mourir de faim une fois leur gibier épuisé, ne laissant que celles qui savent s'autoréguler d'une manière ou d'une autre. Il n'est pas certain que l'humanité appartienne à cette catégorie.

Manger est une fonction vitale, et aussi un des plaisirs essentiels de l'existence. C'est pourquoi les préoccupations et la culture du chasseur gravitent autour de son gibier: en attestent les peintures rupestres ornées de mammouths et d'aurochs. Non seulement on les chassait, on les consommait, on étudiait leurs habitudes, mais dans les anciennes cultures humaines, on leur attribuait toutes sortes de mérites, force ou courage, dont on espérait hériter en les mangeant.

De même, j'en suis sûr, les loups se réjouissent de voir les proies en abondance, et prient le dieu des loups qu'il y en ait toujours assez. Et si l'on tendait le micro à un renard, il s'exprimerait avec éloquence sur les poules et les mulots, leurs mérites respectifs et les valeurs qu'ils incarnent pour lui: abondance, repas de fête. D'ailleurs, dans la volaille, tout est bon!

Une idée

Aujourd'hui, les humains prolifèrent à une échelle sans précédent à la surface de la terre. Pour une espèce prédatrice, cela représente un stock quasiment infini de viande nourriture, sans aucune concurrence pour l'accès à cette ressource ; la vraie difficulté est la capacité de la proie à se défendre - il y a quelques fusils sur le chemin du buffet. Mais une opportunité aussi fantastique ne manquerait pas d'être exploitée par une espèce qui en aurait les moyens.

Que se passerait-il si, un jour, émergeait des profondeurs de la jungle, des mers, ou de l'espace, un prédateur que nos défenses n'arrêtent pas ? Que deviendrait l'humanité ?

On peut être tenté d'y voir la fin de la civilisation telle que nous la connaissons : les humains pourchassés, dispersés, n'osant sortir de leurs refuges de peur d'être immédiatement dévorés par des monstres. Villes détruites, cellules sociales repliées sur la famille ou le clan, connaissances et techniques en voie en d'oubli... Bref, le classique tableau post-apocalyptique, comme dans les histoires de zombis.

Mais on peut imaginer une vision plus nuancée: loin d'être exterminés, les humains seraient prélevés... Cela laisserait la place à une société, à des institutions, de même que les troupeaux de zébus ont leur ordre social. Bien sûr, le niveau de stress ambiant serait plus élevé qu'aujourd'hui.

C'est cette idée que je me propose d'explorer en votre compagnie.

Elle soulève quelques questions intéressantes, par exemple:

  • Comment un prédateur pourrait-il se jouer de tous les systèmes de défense dont dispose l'humanité technologique de notre siècle?
  • Où est-il resté caché toutes ces années, tous ces siècles pendant lesquels les humains se multipliaient?
  • Est-ce un Autre, une intelligence avec laquelle l'humanité pourrait tenter de dialoguer, ou bien un phénomène de l'ordre de la catastrophe naturelle, aveugle et destructeur ?
  • Quelles stratégies de défense pourraient mettre en œuvre les humains, et quels changements entraîneraient-elles dans la manière dont nous vivons?

A bientôt...

Disparus (récit complet)

Prédateurs (1)